De la triple identités des peuples.

Le 2 novembre 2014.

Si le processus d’ethnogénèse des nations est aujourd’hui largement oublié ou ignoré par les Européens, les conséquences de l’émergence d’une représentation spécifique à chaque Etat demeurent l’un des freins majeurs à la poursuite de la construction européenne.

En France même, la construction de l’idée nationale prend sa source dans les débats agitant les Etats-Généraux de 1789.

L’abbé Sieyès proposait de renvoyer dans les forêts de Franconie cette noblesse issue des conquérants Francs, asservissant la population gallo-romaine, réunit au sein du Tiers-Etat[1].

Le processus définitivement enclenché par la Révolution française aboutit à la dissolution des identités régionales, dissolution vitale pour assurer la cohésion du projet républicain unitaire à la française.

Les guerres napoléoniennes exportèrent ce modèle dans les Etats européens qui, l’implantèrent à leur tour, dans leurs colonies.

La nation naît de la destruction des identités qui la composent. Cette construction idéologique est au cœur des difficultés rencontrées par l’Union Européenne en cette année 2014.

Si la victoire du FN se comprend en prenant en compte la multitude de facteurs propre à l’Etat français,  il est incroyable de constater au XXIe siècle le retour quasi mécanique des idées nationales, ultime refuge face à un monde inquiétant.

Qu’il est lourd le poids de l’Histoire !

Les Pères de l’idée d’Europe, trouvaient au sein de leurs trois identités un équilibre fragile mais soutenant l’incroyable génie du monde grec.

Un Athénien du Ve siècle avait conscience d’appartenir en premier lieu à sa cité (Ahènes),  mais aussi à la population ionienne, reconnaissable par sa langue et certaines pratiques religieuses, enfin au peuple hellénique capable de s’unir face à l’envahisseur perse.

Ce que l’on constate pour les Grecs est valable pour Rome. Lors du siècle d’Auguste, le Romain appartenait d’abord à sa cité, puis à Rome (tous les Italiens sont citoyens romains depuis le début du Ier siècle a.c), enfin au monde « civilisé » en se rattachant à l’héritage grec[2].

Le Moyen-âge européen possède également cette division en trois identités complémentaires : l’individu est d’abord et avant tout attaché à sa terre et à son seigneur, puis au Roi et enfin au monde chrétien.

Plus récemment encore, les Etats-Unis se sont bâtis autour de ce tryptique. Les individus se revendiquent d’une origine ethnique, d’un Etat fédéré et de l’identité américaine qui parfois tend à se confondre avec le continent américain comme avec la doctrine Monroe (1823).

Cette triple identité ponctue encore les conversations de chacun. En Europe, cette revendication demeure dans le cercle privé et contribue grandement aux discours régionalistes.

Pourtant depuis 1992, une citoyenneté européenne est venue s’ajouter à la nationale.

Comment alors concilier une identité nationale qui rejette par essence toute captation de sa souveraineté et une identité européenne qui se veut comme un rempart à tous les excès du nationalisme ? L’Union européenne ayant compris cette enjeu s’en est saisi en participant à la protection des particularités et cultures régionales au sein de ses divers Etats membres.

A l’aube de 2015, la problématique identitaire effraie par ses consonances extrémistes. Elle est au cœur des programmes de mouvement comme « Le Bloc Identitaire ».

L’Union Européenne et le rêve européen réhabilite, protège, la triple identité de chaque individu alors que le nationalisme pendant deux siècles n’a eu de cesse de les détruire.

Ne laissons donc pas le renouveau du nationalisme au XXIe siècle priver l’Union de l’une de ses plus belles réussites !

H. Sicini

[1]Sieyès, Qu’est ce que le Tiers-Etat?, 1789.

[2]Avec l’édit de Caracalla en 212 accordant la citoyenneté romaine à tous les hommes libres de l’Empire tend déjà à faire coïncider les différentes identités

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