Présidence polonaise du Conseil de l’Union européenne : l’heure du bilan 

La table ronde organisée par la Société Historique et Littéraire Polonaise, le 1er juillet 2025 à l’Institut Bibliothèque Polonaise de Paris, a permis de dresser un bilan approfondi de la seconde présidence polonaise du Conseil de l’Union européenne, ainsi qu’une vision prospective sur la prochaine présidence danoise. Ce fut l’occasion de revenir sur les priorités, les initiatives concrètes et les débats stratégiques portés par la Pologne pendant les six premiers mois de l’année, dans un contexte marqué par la pression géopolitique accrue à l’Est, la guerre en Ukraine et les attentes croissantes des citoyens européens en matière de sécurité. 

Le débat, modéré par Georges Mink (professeur au Collège d’Europe), a réuni : 
Jan Emeryk Rosciszewski, Ambassadeur de Pologne en France, 
Nirina Moutou, Présidente du Mouvement Européen – Paris, 
Melchior Szczepanik, Directeur du Bureau de l’Institut Polonais des Affaires Internationales à Bruxelles. 

Contexte politique et diplomatique 

La présidence polonaise s’inscrit dans une continuité d’engagement européen, avec pour priorités la sécurité, la protection des frontières, la défense européenne et l’agriculture. À l’instar de la présidence précédente de 2011, Varsovie a su faire entendre une voix forte, portée par l’urgence géostratégique et la volonté d’un leadership plus affirmé à l’échelle continentale. Le professeur Mink a expliqué que la Pologne, lors de la première présidence au Conseil de l’Union, était considéré comme un “petit frère” des autres Etats-membres, alors que le pays est aujourd’hui un acteur clé pour l’Europe. Il a toutefois rappelé la contribution importante de la Pologne en 2011, pour l’adhésion de la Croatie à l’UE.  

Une présidence engagée pour l’Ukraine et ferme vis-à-vis de la Russie 

Dès le début de sa présidence, la Pologne a placé le soutien à l’Ukraine au cœur de son action. Varsovie a multiplié les efforts diplomatiques pour maintenir l’unité des États membres face à l’agression russe, tout en intensifiant la pression sur Moscou par un renforcement du régime de sanctions. La campagne de désinformation en Moldavie, orchestrée par des intérêts russes, a été dénoncée avec fermeté, illustrant la vigilance stratégique accrue de cette présidence. 

Un autre fait marquant a été l’impulsion donnée à la Facilité européenne pour la paix, le mécanisme financier de l’UE permettant de fournir une aide militaire à l’Ukraine, pour poursuivre l’aide permettant à Kyiv de se défendre et de reconstruire ses infrastructures. Cela témoigne d’une présidence polonaise active, stratégique et profondément ancrée dans une logique de solidarité. 

La défense européenne : un nouveau pacte stratégique 

L’un des points majeurs du débat a porté sur la nécessité de créer une véritable défense européenne commune. Alors que les tensions à l’Est de l’Europe rappellent brutalement les fragilités des États membres, la présidence polonaise a mis en avant la complémentarité entre l’OTAN et une défense intégrée de l’UE. 

La question des dépenses a été centrale : les États-Unis poussent les membres de l’OTAN à consacrer 5 % de leur PIB à la défense, une exigence perçue à la fois comme un levier stratégique mais aussi un signal d’alarme sur la dépendance européenne. La France et la Pologne partagent ici un constat : l’Europe doit investir davantage pour sa propre sécurité. Mais à quel prix ? Serons-nous capables de produire nos propres équipements et d’acheter européen, ou resterons-nous dépendants des industries américaines ? 

France-Pologne : vers une convergence stratégique ? 

Malgré certaines divergences passées, notamment sur la vision institutionnelle de l’Union, les discussions ont souligné la convergence croissante entre Paris et Varsovie sur les questions de sécurité. Les deux pays partagent la conviction que l’Union européenne doit accroître son autonomie stratégique, non pour s’opposer aux États-Unis, mais pour devenir un pilier de stabilité. 

Nirina Moutou a rappelé que le Mouvement Européen – Paris plaide de longue date pour cette capacité européenne à agir par elle-même dans les domaines de la défense, de la gestion des crises, et de la cybersécurité. Elle a souligné qu’un citoyen européen sur quatre est favorable à une défense commune, selon les derniers sondages, et que cette adhésion populaire doit être consolidée par un dialogue démocratique à plusieurs niveaux. 

Dialogue citoyen et vision démocratique 

Pour Nirina Moutou, présidente du Mouvement Européen Paris, la construction d’une défense commune ne peut être cantonnée à un exercice technocratique : elle doit devenir un véritable projet de société, pensé avec et pour les citoyens. À travers son intervention, elle a défendu une approche fondée sur les acquis concrets de l’Union européenne, mobilité Erasmus, liberté de circulation, coopération universitaire, comme leviers d’intelligibilité et d’appropriation du projet européen. Elle a également souligné l’importance de nourrir une culture commune de la défense entre États membres, en insistant sur le rôle de l’école et a plaidé pour une consultation citoyenne ambitieuse sur les questions de défense, à l’image de la Conférence sur l’avenir de l’Europe. Ella a aussi suggéré d’explorer un “Format Weimar citoyen” entre la France, l’Allemagne et la Pologne. Selon elle, pour construire efficacement une Europe qui protège, il faut rendre les enjeux de défense compréhensibles aux citoyens et les rassembler pour harmoniser les points de vue. 

Réalisme stratégique et priorités à définir 

Melchior Szczepanik, a souligné que les élections européennes encore récentes ne permettent pas encore de dresser une feuille de route définitive. L’Union européenne est encore en phase de discussion des priorités, et les équilibres institutionnels post-électoraux doivent se stabiliser. 

Il a insisté sur la nécessité d’agir militairement de manière ferme à l’Est, tout en composant avec un partenaire américain devenu instable. 

Trois leçons clés ressortent de son intervention : 
1. Donald Trump a permis aux Européens de prendre leurs responsabilités en matière de défense ; 
2. Nous n’avons pas la capacité de changer l’UE en six mois, mais nous pouvons amorcer des dynamiques profondes ; 
3. Face à un environnement international de plus en plus hostile, l’Europe doit se défendre. 

Il a également posé une question cruciale : si l’on veut augmenter les dépenses militaires, les citoyens européens sont-ils prêts à consentir ce sacrifice ? 

Une Europe forte doit aussi être économiquement unie 

L’ambassadeur de Pologne, Jan Emeryk Rosciszewski, a clôturé le débat en insistant sur la nécessité d’une union économique forte, pour faire face aux nouvelles puissances mondiales. Pour lui, la puissance militaire doit reposer sur une économie solide, une industrie compétitive et une société inclusive, capable de porter un projet européen commun fondé sur les valeurs démocratiques, l’innovation et la cohésion sociale. 

Propositions et perspectives pour une défense européenne 

La table ronde a permis de mettre en lumière plusieurs propositions concrètes pour renforcer la défense européenne. Il a notamment été suggéré de créer un Fonds Européen de Défense pérenne, qui serait placé sous une gouvernance démocratique associant les parlements nationaux, afin d’assurer transparence et légitimité.  

La création d’une armée européenne commune a été évoquée, par l’Ambassadeur, comme un objectif stratégique majeur dans les prochaines années, ce qui sera l’un des enjeux les plus important pour les prochaines générations avec une prévision en 2030, susceptible non seulement d’améliorer l’efficacité militaire de l’Union, mais aussi de renforcer son unité politique. Il a aussi été proposé d’intégrer dans les politiques budgétaires nationales des clauses de flexibilité spécifiques, permettant de faciliter les investissements dans le domaine de la sécurité sans contrevenir aux règles fiscales européennes. 

Enfin, l’accélération de la mise en œuvre de la Boussole Stratégique adoptée par l’Union européenne a été présentée comme une urgence face aux menaces croissantes. Pour soutenir cette ambition, les participants ont souligné l’importance de renforcer l’adhésion citoyenne à la politique de défense, à travers des campagnes d’information et des mécanismes de démocratie participative, afin d’assurer un soutien populaire durable. 

Pour une Europe de la défense, unie et stratégique 

La présidence polonaise a été riche en discussions et décisions prises, marquée par une volonté de renforcer la défense commune et la solidarité avec l’Ukraine. Si des désaccords subsistent au sein du Conseil et entre les Etats-membres de l’Union, cette présidence a renforcé l’idée que l’Europe doit devenir un acteur stratégique à part entière, en continuant les de travailler avec ses alliés mais en renforçant son indépendance en matière de sécurité et de défense.

 

Nous remercions la Bibliothèque Polonaise de Paris pour l’invitation, ainsi que les intervenants pour cet échange !

Retrouvez toutes les informations sur l’Insitut polonaise de Paris sur leur site officiel : https://ibpp.eu/fr/

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