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Brèves européennes de Christian Casper, novembre 2019 : Le Président français, l’Union européenne et l’OTAN

La vision géopolitique du Président français, Emmanuel Macron, exposée dans l’interview donnée le 7 novembre à l’hebdomadaire britannique The Economist et portant sur l’OTAN, la Russie et sur l’élargissement de l’Union européenne, a suscité de vives réactions dans les capitales européennes. Toujours très mesurée dans ses propos, la chancelière, Angela Merkel, a immédiatement réfuté les critiques d’Emmanuel Macron sur l’OTAN. De son côté, Donald Tusk, qui quitte sa fonction de Président du Conseil européen le 1er décembre et prend la direction du PPE (Parti populaire européen), a clairement déclaré qu’il ne partageait pas le point de vue d’Emmanuel Macron concernant les relations avec la Russie.

 

Le nouveau Haut représentant de l’Union européenne (l’Union) aux affaires extérieures, Josep Borrell, a, de façon plus diplomatique, justifié les propos du Président qui, selon lui, « reflètent aussi l’urgence, pour l’Europe, d’avancer avec détermination dans le développement de ses propres capacités de défense, afin de pouvoir faire face aux conflits qui la touchent au plus près. » Josep Borrell a osé dire tout haut ce que beaucoup pensent tout bas sur l’OTAN en appelant à être « lucide ».

La plupart des critiques porte surtout sur la formule brutale de « mort cérébrale » de cette organisation. Le timing peut aussi étonner : Emmanuel Macron a-t-il voulu faire bouger l’agenda du Sommet de l’OTAN à Londres les 3 et 4 décembre à l’occasion de la célébration de ses 70 ans ?

Outre cette prise de position sur l’OTAN, la politique étrangère de la France, aggravée par la posture personnelle du Président français qui se comporte comme un ministre des affaires étrangères de l’Union, interroge ses partenaires européens. Il est vrai que plusieurs d’entre eux sont affaiblis : la fin de règne d’Angela Merkel est proche – qui lui succédera et pour quelle politique ? – ; l’Italie, l’Espagne peinent à trouver des majorités de gouvernement stables ; le Brexit n’est pas encore fini et le populisme sévit dans plusieurs pays membres.

 

Depuis la réception de Vladimir Poutine à Brégançon mi-août, la France soulève des interrogations sur la politique qu’elle entend mener avec la Russie. Lors de la Conférence annuelle des ambassadeurs et ambassadrices du 27 août, le Président a, dans son discours, beaucoup insisté sur la Russie. « L’Europe disparaîtra » si elle échoue à refonder sa stratégie, notamment par rapport à la Russie, a-t-il dit, soulignant la « profonde erreur » commise par ceux qui l’ont « poussée loin de l’Europe » après la chute du mur de Berlin et concluant en disant : « Nous sommes en Europe et la Russie aussi »

 

Enfin, de nombreux pays membres n’ont pas compris le veto posé par la France à l’ouverture de négociations d’adhésion à l’Union avec l’Albanie et la Macédoine du Nord. Cette ouverture avait pourtant été promise à cette dernière après qu’elle eut conclu, avec la Grèce, l’accord de Prespa qui a mis fin à un long conflit portant sur la dénomination de son pays. Il n’est pas exclu que la Macédoine du Nord se crispe et menace de dénoncer cet accord. Certes, on peut estimer que les procédures d’adhésion à l’Union sont obsolètes. On ne peut pas s’empêcher de penser que l’intention du Président est de mettre un terme aux élargissements en privilégiant l’Europe-puissance. Ce point de vue n’est pas celui des dirigeants actuels de l’Allemagne « parce que, comme l’a dit hier le ministre allemand des Affaires étrangères, « l’Europe ne peut actuellement pas se défendre seule » (déclaration d’Angela Merkel, le 27 novembre au Bundestag).

 

Est-il enfin nécessaire de critiquer frontalement l’Allemagne et les pays membres d’Europe du Nord en déclarant que la règle des 3 % inscrite dans le traité de Maastricht est « d’un autre âge » ?

 

Le constat d’une Union conçue comme un projet politique, mais qui ne fonctionne que lorsqu’il s’agit de sujets économiques, fait consensus. 

Mais pour autant le Président français, bien qu’attaché au concept de « souveraineté européenne » le fil conducteur de son interview, ne propose pas de solution concrète et partagée par d’autres Etats-membres sur le rôle de l’OTAN, sur la relation avec la Russie ni sur l’avenir de l’Union.

Faut-il expulser la Turquie de l’OTAN et remettre en cause l’article 5 sur l’assistance mutuelle ? C’est surtout sur l’attaque turque en Syrie que le Président français a insisté dans son interview à The Economist, en soulignant que l’attaque de la Turquie contre les alliés de l’OTAN soulève la question de l’avenir de l’article 5 du traité de l’OTAN. « Quel est l’avenir de l’article 5 ? » s’est interrogé Emmanuel Macron dans cette publication. Une vraie question, qui ne pourra pas être évitée lors du prochain Sommet de l’organisation.

Encore faudrait-il pour cela que d’autres pays européens soutiennent la France. « Macron a tellement plus d’idées que les autres leaders européens. Mais il aurait plus d’influence s’il avait la patience de construire des coalitions pour les défendre » a récemment souligné Charles Grant, directeur du think-tank Centre for European Reform situé à Londres.

Christian Casper,
novembre 2019

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