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L’Union européenne et les Balkans occidentaux, septembre 2019

L’Union européenne et les Balkans occidentaux

Les convoitises de la Russie,

de la Chine et de la Turquie sur la région

Presse européenne

Devant les lenteurs du processus d’adhésion à l’UE (l’Union), la Turquie, la Chine et la Russie convoitent les Balkans occidentaux.

A moins que le processus d’adhésion ne s’accélère, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui, les six pays de la région (la Slovénie et la Croatie sont déjà membres de l’Union) pourraient examiner d’autres options, y compris le renforcement de leurs relations avec la Chine, la Russie, la Turquie. La confiance des citoyens des Balkans occidentaux dans la perspective d’adhésion a été ébranlée et un grand nombre d’entre eux estime que leur pays ne rejoindra jamais l’UE. Cette évolution est significative dans la mesure où les Etats-Unis et l’Union ont été leurs partenaires les plus importants dans les années 1990.

Le Monténégro et la Serbie ont déjà ouvert des négociations d’adhésion avec l’Union, l’Albanie et la Macédoine-du-Nord, candidats, attendent toujours une date pour le début des négociations, la Bosnie-Herzégovine a déposé une demande d’adhésion, tandis que le Kosovo, qui n’est pas reconnu par cinq États membres de l’Union, se trouve en dernière place. Ces négociations avancent très lentement. La date de 2025 est envisagée pour leur l’adhésion.

L’Union ne montre pas beaucoup d’enthousiasme pour cet élargissement à des pays pauvres qui souffrent de graves problèmes internes (tensions ethniques récurrentes, corruption endémique, déficit démocratique). Le président français Emmanuel Macron a récemment déclaré qu’il mettrait un terme à tout nouvel élargissement tant que des réformes profondes ne seraient pas apportées au fonctionnement institutionnel de l’Union tandis que la chancelière allemande, en août dernier, déclarait : « l’Europe véritablement unie inclut les Balkans occidentaux ».

L’Albanie et le Monténégro sont membres de l’OTAN et la Macédoine-du-Nord serait sur le point d’y adhérer après l’accord de Prespa. Le Kosovo et la Bosnie-Herzégovine aspirent à devenir membres de l’OTAN, tandis que la Serbie envisage d’y adhérer mais elle tient à garder ses bonnes relations avec la Russie.

Les gouvernements des Balkans occidentaux ont pour leur part ouvert la porte à de nouveaux investisseurs dans la région. Ils pourraient aussi devenir à terme des « chevaux de Troie » et déstabiliser l’Union.

La Turquie, la Chine et la Russie ont des intérêts différents, souvent dictés par des liens historiques, ethniques ou religieux. La Chine se concentre principalement sur les relations économiques, tandis que la Russie et la Turquie s’efforcent d’augmenter leurs liens culturels et politiques avec ces pays.

L’Union reste cependant de loin le premier partenaire commercial extérieur des pays des Balkans occidentaux avec des échanges qui représentent environ 75 % du total. Les investissements de pays tiers dans la région ne sont toutefois pas négligeables.

La Russie s’est concentrée sur le secteur de l’énergie et certaines de ses transactions sont masquées et transférées via d’autres pays. La Chine investit quant à elle beaucoup dans la région depuis la création de la plateforme 16 + 1 en 2012. Les pays des Balkans occidentaux font également partie de l’initiative chinoise Belt and Road. Ces derniers investissent principalement dans les infrastructures de transport (autoroutes et chemins de fer) pour accéder au marché européen. Le montant des prêts chinois est préoccupant ; certains de ces pays ne seront probablement pas en mesure de les rembourser, ils s’exposeraient alors à tomber sous la domination de la Chine.

« Il y a deux manières de conquérir et asservir une nation. L’une est par l’épée. L’autre est par la dette ». (John Adams, 1735-1826, deuxième président des Etats Unis). 

Pour un certain nombre de raisons historiques et ethniques, la Serbie est le pays qui a les relations les plus étroites avec la Russie. Les Serbes s’appuient sur leur grand frère orthodoxe pour bloquer l’adhésion du Kosovo à l’ONU, à l’UNESCO et à Interpol. Le président serbe a le soutien de l’Occident pour résoudre le conflit avec le Kosovo tandis que Vladimir Poutine réclame que la souveraineté de la Serbie soit entière sur  le Kosovo.

La Russie a également établi un monopole dans le secteur énergétique de la Serbie. Des discours pro-russes ont leur place dans les médias où les agences de presse russes interviennent. Ces instruments de « soft power » sont des instruments servant à promouvoir la Russie dans les Balkans occidentaux. La Russie entretient également des rapports amicaux avec les Serbes de Bosnie.

Pour les musulmans bosniaques, la Turquie signifie la même chose que la Russie pour les Serbes de Bosnie. Le président Recep Tayyip Erdoğan entretient des liens étroits avec les dirigeants de la Bosnie et utilise plusieurs instruments de « soft power » pour renforcer son influence : rénovation de mosquées et de monuments historiques, soutient les communautés musulmanes locales.

La Macédoine-du-Nord et le Monténégro se trouvent dans une situation similaire. Dans ces pays, la Russie se concentre sur la communauté chrétienne orthodoxe. Les interventions directes de la Russie dans leur politique intérieure sont difficiles à prouver.

La Turquie vise quant à elle les communautés turques et musulmanes de ces deux pays.

La stratégie de la Turquie est fondée sur l’héritage de la période ottomane et de l’Islam. Elle fait de Recep Tayyip Erdoğan un leader et un protecteur des musulmans. La Turquie investit dans la promotion des langues, l’éducation, les centres culturels et les mosquées.

La Turquie est également un allié important du Kosovo et son influence ne peut pas être négligée après 500 ans de règne ottoman dans les Balkans occidentaux. Le Kosovo est le troisième pays le plus pauvre d’Europe et, sans libéralisation des visas avec l’UE, il reste le pays le plus isolé de la région.

La Russie a utilisé le précédent de l’indépendance du Kosovo en 2008 qu’elle ne reconnaît pas en raison de ses liens avec la Serbie  pour justifier son annexion de la Crimée.

Du fait de son statut international incertain, le Kosovo est également exclu de l’initiative chinoise 16+1 à laquelle participent déjà d’autres pays des Balkans. A la suite de la récente visite du Président chinois, l’Italie a rejoint ce « club », qui est devenu 17+1.

Christian Casper, 

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