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Nous sommes en guerre, L’Edito de Jean-Claude Houdoin, mars 2020

« Nous sommes en guerre »

Par Jean-Claude Houdoin

« Nous sommes en guerre », nos pensées vont aux victimes, celles d’hier, d’aujourd’hui et de demain, à leur famille, à leurs amis, à leurs collègues. Notre soutien s’adresse aussi à ces soldats, ces combattants en blouse blanche, à tous ceux qui appelés à partager leurs travaux, cherchent un remède, un vaccin pour lutter contre l’ennemi commun.

Nous devons aussi penser aux anonymes du quotidien, ceux que l’on ne voit pas, mais qui pourtant assurent dans la discrétion le maintien du minimum vital. Sans eux, ces soldats de l’ombre, la vie serait plus dure et l’espoir du redémarrage après la crise, encore plus compliqué. Il faut leur rendre hommage et leur apporter notre reconnaissance aujourd’hui et aussi demain.

« Nous sommes en guerre » et comme dans tout conflit majeur l’après ne ressemblera pas à l’avant, l’avenir ne peut être la continuité du passé. Beaucoup d’entre nous sont immobilisés, confinés, assignés à résidence. Mettons à profit ces moments de calme pour réfléchir et rêver le futur, notre futur d’Européens.

C’est au cœur du chaos, que les pères de l’Europe ont pris conscience de l’absurdité des conflits entre Européens et de leur nécessaire union pour l’avenir : ils ont pensé l’Europe et ils ont mis en œuvre la première étape de la construction européenne.

Les crises financières et économiques de 2008 et 2009, la crise des flux migratoires de 2015 ont montré les faiblesses de l’Union ; celle du Covid 19 aura des conséquences économiques et sur la dette des Etats européens. N’est-il pas temps de réfléchir à une modernisation de nos institutions ?

Rappelons-nous qu’il y un peu plus de deux siècles, 13 colonies américaines s’étaient réunies pour fonder les Etats-Unis d’Amérique. Pour financer cette guerre d’indépendance, la plupart des Etats s’étaient endettés auprès des européens et étaient au bord de la faillite.  En 1790, les Etats-Unis s’apprêtaient à fêter le quatorzième anniversaire dans un climat tendu entre les « fédéralistes » derrière Alexander Hamilton et les républicains de Thomas Jefferson qui s’opposaient sur le partage des pouvoirs entre le niveau fédéral et celui des Etats de l’Union. Dans un excellent article, notre ami Jean-Guy Giraud[1] nous raconte le dîner entre les partisans des deux courants de pensées.

Au cours de cette mémorable soirée du 20 juin 1790, un accord est trouvé sur deux points essentiels pour l’avenir des Etats-Unis d’Amérique :

  • La mutualisation fédérale des dettes des Etats
  • Le choix d’une capitale fédérale : Washington (qui n’existait pas encore).

Dans la crise sanitaire que nous traversons, les premières décisions, au-delà des soins à apporter aux personnes atteintes par le coronavirus, du combat contre la propagation de l’épidémie, auront pour objet de limiter les conséquences économiques et sociales des premières : maintien des revenus des citoyens, lutte contre les faillites des entreprises provoquées par une trésorerie asséchée due à la baisse d’activité. Pour chacun de nos Pays le coût sera exorbitant, encore peut-être plus important que celui de la crise 2008/2009. Tous les pays européens, à des niveaux divers, à des périodes différentes seront touchés, déjà l’Italie voit les taux d’intérêt à long terme se tendre et s’écarter des taux auxquels l’Allemagne peut emprunter.

Il faut saluer la décision, le 18 mars, de la Banque Centrale Européenne d’injecter 750 milliards d’euros dans l’économie européenne d’ici fin 2020. Mais la BCE, ne doit pas être le seul acteur à agir. Le Budget européen est ridiculement insuffisant et très encadré par des règles strictes. L’UE ne peut s’endetter en émettant des titres sur les marchés financiers, les décisions de libérer 25 milliards d’euros le 11 mars, porté à 37 milliards le 17 mars pour alimenter un fonds spécial dédié sont déplacés par rapport aux besoins. On ne peut reprocher à la Commission de respecter des règles qui lui ont été fixées, il appartient maintenant au Conseil européen de prendre ses responsabilités et de proposer des évolutions majeures qu’il appartiendra aux autres instances démocratiques d’approuver.

Déjà, Giuseppe Conte, le président du Conseil italien a reposé la question des « Eurobonds » (émission en commun par l’Union européenne de titres de dettes publiques au cours de la réunion du 17 mars. Sa proposition a reçu le soutien du président français sans rencontrer, pour la première fois, l’opposition de la chancelière qui, cependant, a fait part de ses réticences (c’est pour cette raison que l’Eurogroupe doit reprendre ces travaux). Le 25 mars, 9 pays européens, dont la France et l’Italie, mais aussi l’Irlande, souhaitaient dans une lettre, que l’Union adopte des mesures financières plus ambitieuses. Les conclusions de la video-conférence des chefs d’Etat ou de gouvernement européen des 27 de jeudi sont encore à mes yeux bien timides, même si elles vont dans le bon sens (voir l’article de Christian Casper).

Si ce point est essentiel, d’autres outils peuvent aussi être mobilisés pour faciliter le financement des entreprises. En appui des institutions financières nationales comme la Caisse des dépôts et consignation (CDC), la Banque publique d’investissement (BPI) pour la France, la Banque européenne d’investissement (BEI), peut apporter un soutien.

« Nous sommes en guerre », donnons-nous les moyens de reconstruire l’Europe.

 

[1] Jean-Guy Giraud : « Diner at Jefferson’s » ou comment les Etats-Unis créèrent la dette publique fédérale -9 octobre 2011.

https://pressefederaliste.eu/commente-les Etats-Unis-creerent-la-dette-publique-federale

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