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Brèves européennes – janvier 2019 par Christian Casper

Breaking News :

 

Le 29 janvier, la Chambre des communes a adopté deux amendements à la proposition du gouvernement. A une très courte majorité, elle a adopté un premier amendement repoussant un « no deal », puis un deuxième amendement, plus significatif, demandant au gouvernement de négocier des « alternatives » à la clause du « backstop ». Le débat avec l’UE va donc se focaliser sur cette clause dans les prochains jours.

 

I- Elections au Parlement européen de mai 2019 : beaucoup d’espoir

La campagne électorale auprès des citoyens n’ayant pas encore réellement commencé, nous y reviendrons ultérieurement. L’enjeu principal sera de mobiliser les Européens et de les convaincre de la force des principes qui animent l’Union européenne (UE).

Des partis européens ont nommé leur candidat à la présidence de la Commission en considérant que la procédure du « Spitzenkanditat » s’impose au Conseil européen. Le PPE a désigné l’Allemand Max Weber, le S&D (sociaux-démocrates) a désigné le néerlandais Frans Timmermans. En France, plusieurs têtes de liste ont été désignées ou prêtes à l’être.

Du fait du non-règlement à ce jour du Brexit, un « no deal » est désormais une hypothèse à ne plus exclure. Le Royaume-Uni pourrait donc être juridiquement encore membre de l’UE en mai prochain. Si cette hypothèse ubuesque se vérifiait, les Britanniques pourraient, en principe, participer aux élections.

 

II- Le traité d’Aix- la-Chapelle : un traité sympathique

Le 22 janvier, la Chancelière d’Allemagne et le Président français ont signé à Aix-la-Chapelle un nouveau traité de coopération et d’intégration franco-allemandes qui vient « compléter » le traité de l’Elysée de 1963. Comprenant 28 articles, il prévoit notamment que « l’admission de la République fédérale de l’Allemagne en tant que membre permanent du Conseil de sécurité des Nations Unies est une priorité de la diplomatie franco-allemande ». Cette clause s’inscrit dans le cadre de la réforme du Conseil de Sécurité de l’ONU qui est sur la table depuis longtemps. Il pourrait sembler logique et souhaitable que l’UE remplace la France (le Royaume-Uni sortant de l’UE n’est plus concerné), mais, outre les fortes réticences de la France, ce souhait se heurte à un obstacle politique (véto de membres du Conseil) et juridique puisque la Charte des Nations-Unies disposent que seuls les Etats sont membres de l’ONU.

Dans de nombreux domaines, les deux pays s’engagent, en des termes mesurés, à « approfondir leur coopération » et à « faire converger leurs objectifs ». C’est ainsi que pour les affaires européennes, comme pour leur politique étrangère, de défense, de sécurité extérieure et intérieure et de développement, la France et l’Allemagne s’engagent à se consulter régulièrement pour chercher « à établir des positions communes », qu’ils défendront devant les représentations européennes ou internationales. Dans le domaine transfrontalier, un « comité de coopération transfrontalière » réunissant États, collectivités et parlements sera mis en place. L’objectif du « bilinguisme » dans les territoires transfrontaliers est aussi réaffirmé, sans que les « langues administratives » y soient modifiées.

 

Ce resserrement de la relation franco-allemande est important alors que le Royaume-Uni va quitter l’UE, que les relations entre la France et l’Italie sont exécrables et que le populisme/ nationalisme gagne du terrain dans plusieurs Etats-membres, dont dernièrement en Espagne.

 

III- Espagne : la percée de l’extrême-droite en Andalousie

Depuis la mort de Franco en 1975, l’Espagne était viscéralement réfractaire à tout mouvement d’extrême-droite. Ce n’est plus le cas avec la percée en Andalousie d’un parti d’extrême-droite, VOX. Créé en 2013, ce parti a obtenu 12 sièges au Parlement d’Andalousie aux élections de décembre 2018. Associé au PP (Parti populaire) et à un parti centriste, Ciudadanos, il fait partie de la majorité.

Cette percée est d’autant plus déroutante que l’Andalousie était un bastion du parti socialiste depuis 1975.

De récents sondages indiqueraient que VOX pourrait obtenir 10 à 15 % des suffrages au niveau national.

Ce résultat confirme la dérive politique vers l’extrême-droite d’un nombre important d’Etats -membres de l’UE, ce qui n’est pas le cas du Royaume-Uni.

 

IV- Brexit : So long

Péripéties à la Chambre des communes

Le 15 janvier, la Chambre des communes a rejeté par 432 voix contre 202 le projet d’accord de retrait longuement négocié avec l’UE. Theresa May, à la fois courageuse et obstinée, a passé le lendemain l’épreuve d’une motion de défiance déposée par l’opposition en obtenant une très maigre majorité de 19 voix. Le rejet massif de l’accord de retrait est le fait d’une coalition hétérogène d’opposants composée de travaillistes, de partisans acharnés de la sortie de l’UE et de ceux qui ne s’y résolvent pas.

Sommée par la Chambre des communes de déposer un plan B (on doit souligner que seul que le Parlement est souverain au Royaume-Uni et qu’une loi doit être votée pour organiser un référendum), Theresa May a été en réalité mise sous tutelle de la Chambre des communes depuis qu’elle a voté le 15 décembre une loi l’obligeant à faire avaliser tout accord sur le Brexit.

Le 21 janvier, elle a refusé de présenter un « plan B » à la Chambre des communes. Elle s’est contentée d’annoncer qu’elle s’entretiendrait sur la question du filet de sécurité (« backstop ») avant de se rendre à Bruxelles pour tenter d’obtenir des « clarifications » sur l’accord de retrait conclu par son gouvernement et l’UE et rejeté par la Chambre des communes.

Le dilemme du « backstop »,

Le « backstop », critiqué dans la majorité comme dans l’opposition, prévoit une union douanière entre le Royaume-Uni et l’UE, avec en sus, pour l’Irlande du Nord, un alignement sur certaines réglementations européennes en matière sanitaire et de taxes. Il n’entrerait en vigueur qu’à défaut d’autre solution à l’issue de la période de transition qui doit se terminer à la fin de 2020. A l’issue de cette période, si aucun accord n’est conclu, le « backstop » est activé. Il maintient jusqu’à la conclusion d’un accord l’ensemble du Royaume-Uni dans l’union douanière, impliquant la libre circulation des biens ainsi qu’une politique commerciale commune vis-à-vis des États tiers, avec une réglementation et des tarifs douaniers communs, l’Irlande du Nord restant, de son côté, assujettie à certaines règles du marché commun afin d’éviter le rétablissement d’une frontière dure, comme les normes sanitaires. La frontière en Irlande reste donc ouverte.

Mais le « backstop» est censé être temporaire. Il ne résout donc pas la question de la frontière irlandaise tant qu’un accord n’aura pas été trouvé entre l’UE et le Royaume-Uni. Or le Royaume-Uni veut quitter l’union douanière et ne veut pas être arrimé indéfiniment à l’UE pour pouvoir conclure des accords de libre-échange avec d’autres pays dans le monde. Dès lors, pour lui, le « backstop» ne peut être que temporaire ce qui signifie que l’UE sera obligée de rétablir une frontière entre les deux Irlande pour préserver l’union douanière et l’intégrité du marché intérieur.

En conclusion, le backstop est le cœur du dilemme opposant les deux parties. On peut qualifier ce dilemme de « piège irlandais ». Il est la conséquence logique du Brexit.

Cette situation est d’autant plus grave qu’elle risque de raviver les tensions entre les communautés catholiques et protestantes auxquelles l’accord du « Good Friday » de 1998 a permis de mettre un terme.

Et la suite ?

Face à l’obstination de Theresa May, de nombreux parlementaires envisagent de reprendre la main conformément à leur vote du 15 décembre dernier et de déposer des amendements pour tenter d’éviter soit une sortie sans accord (« no deal »), soit pour demander un report de la date du 29 mars et/ou l’organisation d’un second référendum. Un grand débat sur les amendements déposés aura lieu le 29 janvier. Le Speaker, John Bercow, a un rôle déterminant car il peut s’opposer à la stratégie du gouvernement et mettre aux votes des amendements. Ce grand débat sera probablement sanctionné par un vote en faveur d’une position qui pourrait être majoritaire.

Deux questions se posent : quelle proposition est-elle susceptible de réunir une majorité à la Chambre des communes et l’UE est-elle disposée à continuer à négocier, à amender ou à clarifier un accord de retrait de 600 pages négocié pendant plus d’un an et demi en reportant l’échéance du 29 mars. L’article 50 le permet si le Royaume-Uni le demandait et si les Vingt-Sept acceptaient cette demande à l’unanimité. Il resterait alors à définir les modalités de ce report, dont sa durée, alors que la campagne électorale pour l’élection du Parlement européen va commencer. Interrogé, Michel Barnier, le négociateur en chef du Brexit, a estimé que seul pouvait être encore discuté et modifié la déclaration politique de 26 pages qui fait partie intégrante de l’accord de retrait approuvé par le Parlement européen et le Conseil européen en décembre 2018.

Ce report pourrait éventuellement permettre l’organisation d’un deuxième référendum qui possiblement annulerait le résultat du référendum de juin 2016. « Si le peuple vote mal, il faut dissoudre le peuple » a écrit Berthold Brecht. En l’espèce, on lui demanderait de revoter.

La date du 29 janvier pourrait être un moment-clé du Brexit, tant pour l’avenir du Royaume-Uni que pour celui de l’UE.

 

V- Note de lecture : Où est le pouvoir dans l’UE ?

Livre de Luuk Van Middelaar : Quand l’Europe improvise. Dix ans de crises politiques : 2008-2018.

Où est la réalité du pouvoir dans l’UE par temps de crise aiguë ?

 

L’auteur de ce livre connaît les arcanes bruxellois, ayant exercé de 2010 à 2015 les fonctions de « plume » de Herman Van Rompuy, le premier président permanent du Conseil européen.

Ce que « Quand l’Europe improvise » montre de manière saisissante, c’est que les nombreuses décisions-clé prises durant la dangereuse décennie 2008-2018 (« le moment machiavélien de l’Europe ») l’ont été par un tout petit groupe d’acteurs, suivant un processus assez complexe mais dont la logique ressort néanmoins avec une assez grande clarté. En effet, les hommes et les femmes à la manœuvre depuis dix ans constituent un aréopage étonnamment étroit : la Chancelière allemande ; les Présidents français successifs ; le Président du Conseil européen et le Président de la Commission européenne, sans oublier bien entendu le président de la BCE. C’est eux qui, par leurs rencontres et leurs contacts téléphoniques quasi quotidiens, ont pris les choses en main, quitte à associer ensuite leurs autres partenaires (chefs d’État et de gouvernement des autres pays ; Parlement européen, etc.) à leurs plans d’action. Il est d’ailleurs tout à fait frappant de constater que l’acteur central a presque toujours été la Chancelière allemande, dont le pays est plus que jamais devenu la puissance dominante en Europe – n’en déplaise aux dirigeants français, bien obligés de constater que l’affaiblissement économique de la France fait d’elle un acteur incontournable mais néanmoins en retrait par rapport à Berlin, constamment en première ligne. Ce qui constitue une indéniable ironie de l’histoire puisque Paris a toujours considéré l’UE comme un levier de puissance et un moyen pour la France de demeurer la grande puissance qu’elle n’est plus, alors qu’en réalité c’est de plus en plus Berlin qui, à son corps défendant, bénéficie de cette espèce de synecdoque géopolitique où la partie se confond avec le tout… »

 

 

Christian Casper

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