libres;propos de CC

Vous avez dit « Brexit ? » (partie 1)

Pour compléter ses derniers Libres propos, Christian Casper écrit une nouvelle page au feuilleton – haletant – du Brexit.

Bonne lecture !

Vous avez dit Brexit ?

 

Le Parlement britannique a donné le 29 janvier mandat à la Première ministre britannique, Theresa May, pour renégocier l’accord de retrait avec l’Union européenne (l’UE) de novembre 2018. Mi – février, les discussions n’ont toujours pas abouti tandis que l’échéance du 29 mars 2019 se rapproche.

Presse britannique et communautaire

L’accord de retrait approuvé par les Vingt-Sept et la Première ministre britannique en novembre 2018 ayant été repoussé le 15 janvier 2019 à une très large majorité par la Chambre des communes (432 voix contre, 202 pour) qui lui avait infligé auparavant un camouflet en lui imposant de lui présenter un plan B susceptible d’être amendé, le Parlement a repris ses travaux le 29 janvier en examinant plusieurs amendements qui lui ont été soumis par des parlementaires des deux bords.

Dans une ambiance houleuse, par 317 voix contre 301, les députés ont approuvé dans la soirée l’amendement qui demande le remplacement du backstop, nœud gordien* que le Royaume-Uni et l’UE n’ont pas encore pu trancher, par un « dispositif alternatif » sans donner d’indications précises sur sa teneur. Par ce vote, Mme May a obtenu, contre toute attente, le « mandat » qu’elle avait sollicité quelques heures plus tôt en ouvrant les débats parlementaires et a repris la main sur le Parlement.

Le président du Conseil européen Donald Tusk a immédiatement « regretté le résultat de ce vote » et a demandé aux Britanniques de préciser leurs intentions le plus rapidement possible. En effet, des discussions sur les « dispositifs alternatifs » (notamment technologiques) évoqués par l’amendement voté par les députés ont eu lieu pendant des mois à Bruxelles et ont conclu qu’ils n’existaient pas.

Les « pro-européens » ont cependant remporté un demi-succès quand le Parlement a adopté par 318 voix contre 310 un autre amendement affirmant l’opposition du Parlement à une sortie sans accord (« no deal »).

On remarquera que les députés ont adressé au gouvernement deux messages potentiellement contradictoires : une majorité refuse un Brexit sans accord avec l’UE, mais une autre majorité a mandaté Theresa May en vue d’une renégociation si hypothétique – surtout en deux mois – qu’elle risque d’aboutir précisément à une sortie, tant redoutée, sans accord.

Les autres amendements soumis aux votes (report de l’échéance du 29 mars, convocation d’un deuxième référendum etc.) ont tous été rejetés.

 

Le Royaume-Uni demande que le backstop comprenne soit une limite dans le temps, soit une sortie unilatérale du dispositif qu’il déciderait. Le Royaume-Uni craint, en effet, que, faute d’arriver à un accord sur leurs relations futures, le backstop reste indéfiniment en vigueur ce qu’il ne peut pas accepter puisqu’il veut sortir du marché intérieur et de l’union douanière et reprendre sa liberté de négocier des accords commerciaux avec des pays tiers.

La position de l’UE demeure celle déjà exprimée par Michel Barnier, le négociateur en chef de l’UE, selon laquelle l’accord de retrait conclu fin 2018 reste « le seul accord possible pour le Royaume-Uni de quitter l’UE de manière ordonnée », mais qu’il était possible de rouvrir la déclaration politique sur les futures relations entre le Royaume-Uni et l’UE. La Commission considère de son côté que le backstop ne doit pas être limité dans le temps afin de préserver l’intégrité du marché intérieur tant qu’un accord sur leurs nouvelles relations n’aura pas été conclu ajoutant qu’il est « une assurance » contre le dangereux retour d’une frontière dure (ou physique) entre l’Irlande du Nord et la République d’Irlande qui a été supprimée par le « Good Friday Agreement » de 1998.

A la suite du vote du Parlement du 29 janvier, Theresa May a rencontré à Bruxelles Jean-Claude Juncker, accompagné de Michel Barnier, et Donald Tusk le 7 février. Aucune avancée n’a eu lieu mais les négociations se poursuivent, ont-ils conclu, à l’issue de leurs entretiens.

A ce stade, il est impossible de faire un pronostic sur l’issue de ces bras de fer entre le Royaume-Uni et l’UE, le gouvernement et la Chambre des communes et les deux partis de gouvernement eux-mêmes traversés par des divisions tandis que, jour après jour, l’échéance du 29 mars 2019 se rapproche.

Pour le moment, la confusion est à son comble puisque le propre parti de Theresa May a contribué le 14 février au rejet d’une motion qui lui aurait donné plus de temps pour négocier avec l’UE, certains députés conservateurs ne voulant pas que l’option d’une sortie sans accord (« no deal ») soit exclue tandis que d’autres députés du même parti écartent l’option d’une sortie sans accord le 29 mars.

Le Royaume-Uni espère-t-il que les Vingt Sept, très unis jusqu’à présent, le soient moins dans les prochains jours, une sortie sans accord leur étant également très préjudiciable ?

 

Christian Casper,

29 janvier 2019

 

 

* Note explicative

Le backstop transformerait l’Irlande du Nord en « territoire douanier unique », dans lequel la libre circulation des marchandises resterait en vigueur. Il éviterait toute taxe douanière ou quota entre le Royaume-Uni et l’UE (pour les biens industriels et agricoles seulement), mais n’obligerait pas le Royaume-Uni à suivre l’évolution des normes réglementaires décidée par l’UE. Cette union douanière bloquerait cependant toute signature de traités de libre-échange sur les biens entre le Royaume-Uni et d’autres partenaires que l’UE, cela pour éviter que des produits de pays tiers bénéficient d’un accès privilégié, via l’Irlande du Nord, au marché européen.

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